Herzeleid de RAMMSTEIN

RAMMSTEIN

Herzeleid Herzeleid (1996) ma note 

Les est-allemands de Rammstein ont bien surpris leur monde au milieu des années 90 avec leur métal industriel tectonique et cette image ambigüe et des paroles qui le sont tout autant, et à l'inverse de leur image: allez donc comprendre.
En effet, d'un côté nous avons une image et un son qui laissent croire que le groupe véhicule des relents nazis (et il n'est en rien): torses nus, muscles gonflés à bloc, rasé de près et un regard pas vraiment accueillant, un son brutal à la rythmique basique et enfin la langue teutonne dictée avec un ton autoritaire. De l'autre côté, la fleur en gros-plan mis en arrière-plan de la pochette casse cette impression martiale, tout comme les bidouilleries technoïdes qui se détachent de la rythmique martiale et ce, sans parler des propos des chansons et de leurs provocations scéniques (sur scène et dans leurs vidéo) qui démontrent bel et bien qu'il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Les Rammstein se jouent donc de cette image fachiste pour mieux défendre les minorités (sexuelles et raciales), la veuve et l'orphelin.

Derrière ce son et cette image, on peut penser à la sensation d'une attaque implacable, un peu comme celle mise en scène par Francis-Ford Coppola dans "Apocalypse Now" avec le raid des hélicoptères sur un village de pêcheurs viet-cong sous la musique de "la chevauchée des Walkyries" de Richard Wagner. La principale différence est que la terreur sonore de Rammstein n'est pas une menace en l'air. Elle est tellurique, fait vrombir le sol et rase tout sur son passage. L'image que j'ai en tête est donc plus celle d'une colonne de chars d'assaut de l'Afrika Korps de Rommel foncant dans le désert saharien et venant écraser des bédouins hagards qui voient pour la première (et dernière) fois la puissance et la fureur de telles machines.
Et c'est un peu ce qu'ont fait les allemands sur le métal: avec l'avènement de leur son "Grosse Bertha", le rock s'en n'est pas remis. Ils ont fait leur blitzkrieg et ont conquis un sous-genre du métal que Nine Inch Nails et Killing Joke avaient entrouverts sans en exploiter toute la richesse.

Et j'aime ce son de métal industriel technoïde qui donne envie de danser et de sauter dans tous les sens. Rammstein a un sens exceptionnel du riff et du rythme, décuplé par cette inventivité subversive des synthés. Le métal des allemands est un amalgame mêlant le groove d'un dancefloor avec la chaleur suffocante d'un métal en fusion des hauts-fourneaux, martelés et batelés par de puissantes masses hydrauliques, et dirigé par un phrasé guttural et autoritaire qui vous fait opiner du chef sans broncher.
Cet album est également une bande son incroyable pour tout jeu-vidéo de Shoot-out. A l'époque, j'ai passé des heures (des jours!) à jouer à "Duke Nukem", à "Wolfenstein" et à "Half-Life" avec leur musique à fond dans les oreilles. Je me souviens très bien que je m'amusais à faire coïncider le bruit du rechargement du canon scié du Duke quand il y avait un break rythmique, et aujourd'hui encore, quand j'écoute à nouveau l'album, j'imagine ce cliquetis si particulier.

Ce premier album des allemands a également fait le buzz pour deux autres raisons. D'une part grâce au réalisateur David Lynch qui a repris 2 chansons du groupe pour son film Lost Highway (1996), notamment la scène du couloir où la tension et la puissance percutante de "Heirate mich" prend tout son ampleur: rarement un film et sa musique ont fait une telle union, comme je l'explique dans ma chronique de la bande son.
L'autre fait marquant est bien entendu lié aux prestations scéniques du groupe et leurs formidables effets pyrotechniques. Je me souviens encore et toujours de cette soirée suffocante à l'Elysée Montmartre où Till Lindermann a littéralement mis le feu en sortant un lance-flamme. Jamais je n'avais pensé que cela soit possible (et autorisé) que l'on puisse utiliser un lance-flamme dans un lieu clos (Till est diplômé de pyrotechnie, pour rappel). J'étais donc sur le côté gauche du public face à la scène et dès lors que le jet de flamme est parti, nous avons été envahi par cette soudaine vague de chaleur, suivi de quelques secondes d'incrédulité et de manque de souffle du fait de tout cet oxygène volatilisé par les flammes. Quelques minutes plus tard, Till sorti un autre engin pour inonder de plaisir son musicien fétiche, montrant une fois de plus l'image décalé du groupe avec ces provocations chocs et ses effets chics. Je vous invite à regarder le "live aus berlin" de 1998 (et les scènes coupées) et d'ailleurs tous les autres live du groupe pour comprendre tout le génie; l'insolence, la puissance musicale et le savoir-faire pyrotechnique du groupe.


Informations sur l'album:

  • La Track-list:
    1. Wollt ihr das Bett in Flammen sehen - 5:17
    2. Der Meister - 4:08
    3. Weisses Fleisch - 3:35
    4. Asche zu Asche - 3:51
    5. Seemann - 4:48
    6. Du riechst so gut - 4:49
    7. Das alte Leid - 5:44
    8. Heirate mich - 4:44
    9. Herzeleid - 3:41
    10. Laichzeit - 4:20
    11. Rammstein - 4:25
  • Line-up:
    • Chant: Till Lindemann
    • Guitares: Richard Zven Kruspe et Paul Landers
    • Basse: Oliver Riedel
    • Batterie: Christoph Schneider
    • Claviers Christian Lorenz
  • Informations:
    • Sortie le: 24 septembre 1995
    • Produit par: Jacob Hellner et Carl-Michael Herlöffson
    • Sur le label: Motor Music
  • Genre: Industriel
  • Site officiel: https://www.rammstein.de
  • Spotify : Herzeleid
  • Le meilleur titre: Wollt ihr das Bett in Flammen sehen
  • Extrait en écoute:

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